Déjeuner chez Drouant un jour de Goncourt

Fondé en 1880 par Jean Drouant, le restaurant de la place gaillon à Paris est riche d’une histoire familiale qui croisera celle de la grande littérature puisqu’en octobre 1914, il accueille les délibérations du 72ème prix Goncourt, et c’est désormais dans ses murs que se réuniront chaque année les membres de l’académie, pour des déjeuners mensuels préparatifs puis pour le cérémonial annuel de la remise du prix. Cette année, Drouant célèbre donc le centenaire de l’accueil du prix Goncourt. Les salons privatifs permettent au petit comité de travailler en se délectant des spécialités de la maison, une cuisine de tradition, des plats emblématiques comme le vol au vent ou le poulet rôti du dimanche.
En 2006, Antoine Westermann, alors chef triple étoilé michelin à Strasbourg, prend les commandes de l’établissement et supervisera une carte conservant tout l’esprit de la cuisine bourgeoise.
Le jour de l’attribution du prix Goncourt, on peut déjeuner chez Drouant, où l’ambiance est survoltée. L’annonce à lieu à 13h et dès midi, les courtisans de l’édition encerclent la terrasse, et la maison à pour habitude de régaler ce petit monde en servant gracieusement verres de vins et petites bouchées. Le lauréat arrive et c’est une nuée de journalistes et preneurs de sons qui se ruent à l’intérieur, se pressent dans l’escalier qui monte au salon Goncourt. Cette année, une femme – ce n’est pas si fréquent – est récompensée, c’est Lydie Salvayre, dont l’œuvre témoigne d’un engagement patient et sincère dans le travail d’écriture, à l’abri de tout narcissique et trouvant à travers la littérature une manière de résistance à la déshumanisation. Goncourt mérité donc pour Lydie Salvayre, qui trouvera sans doute une reconnaissance toujours bienvenue mais – je n’en attends pas moins de sa part – qui pourra aussi ironiser avec subtilité sur ce spectaculaire qui dévoie la culture et sur le fétichisme du palmarès et du classement, dans une société qui n’accorde de valeur que chiffrée.
Table avec vue sur cette agitation, et dans l’assiette le turbot aux girolles est savoureux même si décidément, je n’apprécie plus les poissons dans une cuisson à l’ancienne, les préférant nacrés. Pour le turbot ceci dit, je ne le regrette pas outre mesure, et la pièce est de belle qualité. Les desserts se déclinent en quatre variations sur un thème : fruit de saison, classiques de la pâtisserie, chocolat : c’est évidemment ce dernier produit qui a raison de la gourmandise. Ludique plus que raffiné, je préfère encore les truffes et oranges confites servies avec le café.
Dans le salon voisin de celui du Goncourt, se décerne aussi et en même temps le prix Renaudot, cette année attribué à David Foenkinos, qui fait partie de la troupe en spectacle. Pour nous dire ce qui se joue, c’est Lydie Salvayre qui prend la plume.
Drouant, rue gaillon, Paris 2, site web

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