Antoine, restaurant du chef Sombardier à Paris et carte blanche à l’artiste Prune Nourry au Musée Guimet.

Je n’ai pas connu le chef Thibault Sombardier pour ses prestations dans une émission de TV, cela fait plusieurs années que je ne la regarde plus. Si je me suis attablée chez Antoine, son restaurant étoilé, c’est parce qu’il est à proximité de musées parisiens que je fréquente : Palais de Tokyo, Musée d’Art Moderne, Musée Guimet. Et aussi parce que deux amis lyonnais (Chris et Virginie avec qui je partage fous-rires et aventures gastronomiques me l’avaient recommandé avec un enthousiasme que je soupçonne un brin chauvin puisque le chef est lui-même originaire de Lyon. Une autre raison est que le restaurant, une étoile Michelin, est réputé pour sa cuisine du poisson. L’équipe est chaleureuse et bienveillante, dans une salle lumineuse au design épuré. On grignote quelques frivolités iodées qui augurent d’une suite délicieuse en consultant les propositions. Arrive le pain de Thierry Delabre accompagné d’un beurre battu à la pâte d’olive que je n’ai pu m’empêcher de tartiner tout au long du repas : il est pure addiction. Un gaspacho de melon et gingembre au yaourt rafraîchit le palais pour commencer. Nous sommes en transition entre l’été et l’automne et les plats seront à l’image de cette période. Entrée vivifiante avec un sashimi de maigre, poutargue râpée, huile olive infusée de fleurs de citronnier et citron noir d’Iran. Le plat signature incontournable est le pain de homard soufflé en écailles de champignons crus et émulsion d’oignon rôti m’a éblouie : c’est un clin d’œil à une spécialité lyonnaise, mais en version noble et contemporaine, toute en légèreté et saveur. On sent à la fois la chair du homard et le souffle aérien de la mousseline, les champignons croquent et l’émulsion apporte une douceur de velours. Des notes d’estragon sont présentes, j’aime beaucoup mais je trouve que cet aromate est difficile à doser : il l’est ici à la perfection comme il le sera dans le plat suivant, le Saint pierre et fleurs de courgette en mousseline de poisson, d’abord présenté pour le humer dans ses vapeurs de feuilles de figuier avant d’être dressé à l’assiette. Ce plat est d’une grande délicatesse et la cuisson du poisson d’une précision sans faille. Un intermède de fruits rouges et glace yaourt avant de terminer sur une note automnale, le dessert est une « terre froide » noisette et figue, glace feuilles de figuier. Un repas délicat qui m’a enchantée, juste après avoir admiré le travail de Prune Nourry au musée Guimet qui m’inspire quelques réflexions à retrouver après les photos.

Antoine restaurant 10 av de NewYork Paris 16. Site web


HOLY, Carte blanche à Prune Nourry. L’exposition s’est terminée fin septembre 2017. Ses œuvres, installées au regard des trésors du Musée Guimet, questionnent l’histoire de l’humanité en la confrontant aux bouleversements anthropologiques contemporains. Il me semble que @prune nous invite à repérer les effets paradoxaux de l’hyper modernité. Le bouddha fragmenté qu’elle a créé, à la fois dans la démesure et l’épure, nous interroge quant à l’affaiblissement du transcendantal. Sans épaisseur historique, sans profondeur symbolique, la déspécification de l’Homme se profile. Nous devenons de petits gestionnaires fantasmant une mathesis sociale parfaite et mécanique. C’est alors la ségrégation qui est a l’œuvre : repli identitaire de semblables, groupisme grégaire… L’agrégation n’est pas le lien ; la connexion n’est pas l’histoire avec l’autre. Incapacité à composer avec l’altérité, à soutenir l’irréductible malentendu du rapport à l’autre. Prune Nourry exprime par son art d’une façon sublime, grandiose, bien mieux que les anthropologues, comment la dissolution du lieu tiers symbolique rend problématique l’ouverture à la fiction et l’accès, pour l’individu, à un niveau d’altérité autre que sa propre image.

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